Que ce soit sur la rive nord ou la rive sud de la Méditerranée, les agriculteurs doivent faire face à des pénuries d’eau de plus en plus fréquentes qui nuisent surtout aux cultures maraîchères dont les besoins en eau d’irrigation sont élevés. Les changements climatiques ont bouleversé la donne au sein de la filière agricole pour qui l’apport en ressources hydriques représente une composante fondamentale et inhérente au développement et au bon fonctionnement de cette dernière. Or, selon les prévisions du dernier rapport d’Adapt Action, le stress hydrique risque de s’accentuer davantage et les ressources en eau souterraine devraient observer une diminution de 30% d’ici à 2050.
Des GDA défaillants
Une mauvaise nouvelle pour les petits agriculteurs dont les superficies agricoles irriguées consacrées notamment aux cultures maraîchères nécessitent une irrigation intensive tout au long de l’année, à l’instar des pastèques, des melons, des raisins…..Dans les régions, tout comme l’eau potable, l’eau d’irrigation est fournie aux exploitants agricoles par les groupements de développement agricole (GDA). Or, parce qu’elles souffrent de nombreux dysfonctionnements, celles-ci ont de plus en plus de mal à alimenter les petits agriculteurs en eau d’irrigation, à cause de leur infrastructure vétuste et des nombreuses dettes cumulées auprès de la Steg et d’autres structures. Les exploitants agricoles, dont l’activité est menacée par ces pénuries d’eau récurrentes, ne sont pas uniquement pénalisés par les GDA. Si le pays traverse une vague de chaleur intense, l’Etat accordera alors la priorité à l’alimentation en eau potable de la population au détriment des agriculteurs qui verront leur quota en eau d’irrigation revu à la baisse sans qu’on leur propose une alternative à la réduction des quotas en eau d’irrigation, ce qui affectera considérablement le rendement de leurs exploitations agricoles.
Interdiction de l’agriculture irriguée qui consomme beaucoup d’eau
En 2017, à cause d’une situation hydrique catastrophique survenue suite à plusieurs années consécutives de sécheresse, les apports en eau ont enregistré une baisse de 40% par rapport à la moyenne annuelle, les commissariats régionaux de développement agricole (Crda) des régions les plus affectées par la sécheresse (La Manouba, Siliana, Béja, Bizerte….) avaient interdit aux exploitants agricoles de pratiquer l’agriculture irriguée, sans leur apporter aucun appui financier ni leur proposer d’autres alternatives, les poussant, ainsi, à mettre la clé sous la porte. Décidant malgré tout de poursuivre leur activité, des agriculteurs et des éleveurs ont procédé à des captations illégales sur les conduites de la Sonede pour irriguer leurs terres. et abreuver leur bétail. D’autres ont acheté l’eau potable au prix fort auprès de particuliers, alors que certains exploitants agricoles n’ont pas trouvé d’autre choix que d’exploiter les eaux provenant des stations de traitement des eaux usées pour irriguer leurs exploitations agricoles. Une pratique strictement interdite qui risque aujourd’hui de prendre de plus en plus d’ampleur si l’Etat ne met pas en place une stratégie nationale qui prévoit quelles sont les mesures qui doivent être adoptées au profit des agriculteurs en cas de vagues de grande chaleur ou de phases intenses de sécheresse afin de garantir la pérennité de leur activité de plus en plus menacée par les changements climatiques. Expert en ressources en eau et adaptation au changement climatique, Raoudha Gafrej a même appelé à créer d’urgence un conseil de sécurité de l’eau afin de pallier la mauvaise gestion de l’alimentation en eau dans les zones rurales ainsi que les défaillances des GDA qui n’arrivent plus à jouer convenablement leur rôle.